Allocutions & Discours

Discours prononcé par le Président de la Compagnie Régionale lors d’événements ou cérémonies. - seul le prononcé fait foi -

Voeux du président Jean-françois Mallen, 6 janvier 2025

Chères Consœurs, Chers Confrères,

 

Cette tradition des vœux nous autorise un temps de projection individuelle. Alors à la question traditionnelle : « Que faut-il vous souhaiter ? » je voudrais vous répondre : « je vous souhaite de nous retrouver l’an prochain avec chacun le sentiment d’avoir contribué à faire progresser notre pays ». Mais pour y parvenir, il va sans doute falloir remettre en question quelques postulats. 

La France se singularise actuellement par une incapacité à se projeter. Connaissez-vous un dirigeant d’une société qui continue de s’endetter pour maintenir un taux de service élevé sans investir, sans projet et sans créer de valeur ajoutée ?

Nos responsables politiques n’ont pas pris la mesure de leurs responsabilités. Je pense même qu’ils ne veulent pas l’assumer. Leur fameuse conclusion : « responsable mais pas coupable » illustre parfaitement leur ambition et pourrait aujourd’hui devenir « irresponsable et coupable ! »

L’Assemblée Nationale donne l’image d’une cour de récréation d’école sans surveillant et personne pour siffler la fin de la récré. Chacun y joue sa partition sans conviction pour assoir un projet d’ambition individuelle.

 

Connaissez-vous un dirigeant d’une société, qui ne s’inquiète pas lorsque les financiers lui indiquent avoir moins confiance dans sa stratégie ? 

Les avis des agences de notations sont redoutés par les économistes et les journalistes mais pas par nos dirigeants de l’Etat. 

 

Pour la France, le défi est de taille : continuer d'assurer une souveraineté économique dans un environnement mondialisé tout en renforçant sa compétitivité face à ces puissances, le tout en étant surendettée. Nos choix stratégiques en matière d’énergie, d’éducation et d’innovation seront déterminants. 

• La France affiche une croissance faible comparée à d'autres économies européennes et mondiale. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette tendance au ralentissement de la croissance de productivité (source OCDE et INSEE) :

• Vieillissement de la population active,

• La faible adoption des nouvelles technologies,

• La rigidité du marché du travail en France 

• L’inflation normative qui freine nos entreprises. 

 

Dans ce contexte morose, quels sont les sujets majeurs de notre profession ?

 

Premier défi : La digitalisation

Le confinement imposé par la crise de la Covid a fini de faire basculer les transactions économiques en mode digital. Il nous faut nous adapter et aller au bout de la dématérialisation de nos travaux et nos dossiers, ne pas le faire serait suicidaire car cette digitalisation des transactions entraine une attente forte de notre régulateur (H2A) sur une plus grande couverture des tests et une plus forte documentation de nos dossiers.

 

Deuxième défi : l’appropriation de l’IA 

Nous devons accélérer cette tendance et développer des outils capables de nous synthétiser les enjeux afin d’évaluer plus vite les points de contrôles nécessaires. Il faut s’équiper d’outil dopés à l’IA pour faire les contrôles dématérialisés et consacrer notre temps à évaluer les résultats afin de faire preuve de jugement professionnel imposé par le Code de commerce et nos normes professionnelles. 

 

Concernant les normes d’exercice professionnel (NEP), une tendance de plus en plus forte incite notre régulateur à la convergence des NEP vers les normes ISA (les normes internationales d’audit). Cette petite musique devient une symphonie. 

Pourquoi faire cette convergence ? La France est désormais le seul pays à avoir transposé les normes ISA. Tous les autres pays appliquent les ISA. Il n’y avait pas de fort décalage dans les premières années jusqu’en 2016. Mais les normes ISA font l’objet de mises à jour régulières et d’améliorations. 

De plus ces normes ISA ont en deuxième partie ce qu’on appelle le matériel applicatif. Il s’agit d’un mode d’emploi et d’exemples. La CNCC a créé des Notes d’Informations, mais il n’y en a pas pour chaque NEP. De plus certaines normes ISA n’ont pas été transposées comme norme ISA 220 ou de la norme ISQM1. Enfin le décalage entre certaines NEP et les normes ISA correspondantes devient très fort.

Ainsi la Norme ISQM1, qui traite de l’organisation des procédures de nos cabinets, nos entreprises, n’a pas été transposée car le Code de commerce a défini les standards en matière de qualité et procédure interne des cabinets. Mais là encore l’écart est important. Il faut y ajouter la Norme ISA 250 qui définit la manière d’affecter les ressources par compétence face aux travaux confiés, mais aussi comment suivre l’évolution de ces compétences. Ce sera difficilement supportable pour les missions de certification de PME.

 

Une autre illustration de ce décalage : Le Royaume Uni, désormais, n’accepte plus le rapport d’un CAC français s’il applique les NEP et pas les ISA. Notre singularité nous isole.

 

Troisième défi : réussir à accompagner les entreprises dans le déploiement de la CSRD.

Cette réglementation s’impose désormais aux sociétés cotées qui vont publier leur premier rapport avec le rapport de gestion sur les comptes 2024. Les ETI et les groupes tenus de publier des comptes consolidés vont être concernés pour les comptes 2025 publiés en 2026. Viendront en 2028 les PME cotées. Cette prise de conscience des enjeux environnementaux et climatiques est essentielle et chacun va se retrouver concerné. On pourrait espérer une montée en puissance sur plusieurs années, mais nous avons déjà trop de retard.

Au-delà de ces obligations, nous savons que le scope 3 des entreprises astreintes à la CSRD va solliciter les PME pour qu’elles communiquent à leurs donneurs d’ordre des informations en matière d’émission de gaz à effet de serre et e de respect des droits de l’homme dans leurs pratiques RH, commerciales, achats, etc. Ces PME, qui sont nos clients, pourront choisir d’appliquer la VSME sortie en décembre dernier par l’EFFRAG. Notons quand même que les autres continents sont moins exigeants que l’Europe, et la France est encore plus contraignante. 

 

Notre défi, en tant que commissaire aux comptes, est d’être prêts à accompagner ces PME avant même qu’elles en aient besoin afin d’être totalement prêts à les aider à choisir et à s’organiser le moment venu, le dernier défi est la certification des comptes des PME. Dans ce contexte d’adoption des normes ISA, nous allons devoir démontrer que nous avons analysé toute l’organisation interne de l’entité mise en œuvre pour la production des comptes annuels. 

 

Face à ces défis, nous avons une responsabilité collective. La France et notre profession disposent d’atouts majeurs : une population jeune et dynamique, une capacité d’innovation reconnue, et une position centrale au sein de l’Union européenne. Il nous revient de transformer ces atouts en leviers de croissance durable.

 

En tant que commissaires aux comptes, nous sommes au cœur de la confiance économique. Notre rôle, bien au-delà de la certification des comptes, est d’être des partenaires stratégiques des entreprises dans leur quête de performance et de responsabilité. C’est avec cette vision que nous devons aborder l’avenir.